jeudi 22 octobre 2009

2009-10-07 Kanazawa : Quartiers des Geishas

Autre attrait de Kanazawa : ses trois quartiers de Geisha.
Le premier, situé non loin du "Temple Ninja", s'appelle : Nishi-Chaya. Nishi = Ouest et Chaya = maison de thé. Pourquoi en effet croyez-vous que le thé soit si répandu au Japon ?? Parce qu'il cachait bien d'autres plaisirs... ;)

Sérieusement, voici l'explication du système dans lequel vivaient les Geishas : vendues par leurs parents à une "maison de Geisha", c'est là qu'elles habitent et apprennent toutes les ficelles de leur futur métier, non sans en baver, car avant d'atteindre le rang de Geisha, elles sont les servantes (esclaves ?) des Geishas présentes dans la demeure.
Les apprenties et les Geishas prennent aussi des cours dans des écoles pour parfaire la maîtrise des arts : shamisen (à trois cordes), tambour, danse, cérémonie du thé, chants Nô, koto (harpe japonaise), poèmes (e.g. tanka à 31 syllabes et haikai à 17 syllabes), etc.
Lorsque leurs services sont requis, elles se rendent dans les maisons de thé pour distraire les clients qui les ont appelées. Ces clients peuvent demander une Geisha spécifique, ou dire à la patronne de la maison de thé de lui appeler des Geishas de telle ou telle caractéristique (dansant très bien, ou jeune, ou expérimentée, ou très reconnue, etc.).
Les Geishas coûtent très cher, et lorsqu'elles sont très demandées, enchaînent souvent dans une même soirée plusieurs maisons de thé et plusieurs groupes de convives (elles sont payées par chaque maison de thé en fonction du temps passé).
Les Geishas ne sont pas des prostituées de luxe (sauf peut-être dans les campagnes), mais ont en général un ou deux clients (ou "sponsor") rapprochés ("danna") qui l'entretiennent (vêtements, bijoux, argent) et avec qui elles ont des relations physiques. Elle peut aussi prendre un amant (pour celui-là c'est gratuit !).
Les Geishas ont été vendues à la maison à laquelle elles appartiennent, puis leur éducation a été totalement prise en charge, ainsi que leurs toilettes très couteuses, leurs parfums, forcément raffinés, leur maquillage (il y a la dose), leurs bijoux. Ainsi, lorsqu'elles commencent à travailler, la quasi totalité de leur salaire revient à la maison pour rembourser les dépenses occasionnées au fil des ans. Au bout d'un certain temps, la dette ayant été en grande partie remboursée, elles gardent une partie plus importante de leur salaire pour elle, sans jamais cesser d'en donner une partie à la maison de Geisha (après tout, elles continuent à y être logées, nourries et blanchies, à y prendre des cours, ...).
Enfin, si elle séduit vraiment un "danna", celui-ci pourra, en plus de toutes les toilettes et bijoux offerts, racheter leur liberté à la maison de Geisha, voire même lui procurer les fonds nécessaires pour monter sa propre maison de thé ou de Geisha. Elle continuera alors à être sa maîtresse (voire parfois sa femme).
Enfin, les Geishas participent aussi à des événements mondains, notamment lors des cerisiers en fleurs, à des banquets chez de riches particuliers, et à des festivals de danse ou de musique où c'est l'occasion pour elles d'acquérir ou d'asseoir sa renommée.

Voilà pour un aperçu de la vie des Geishas. Vu qu'elles naviguent plusieurs fois par jour entre la maison de Geisha, la maison de thé et les écoles d'art, toutes ces activités étaient plus ou moins regroupées dans ce qu'on appelle maintenant "quartier de Geishas".

Pour ceux qui voudraient se plonger dans cet univers, je conseille :
- mémoires d'une Geisha, le livre dont est tiré le film, qui décrit la vie d'une Geisha de son enfance à l'âge adulte, à Kyoto
- Geisha in Rivalry, de Nagai Kafu (je ne sais pas s'il a été traduit en français), excellent pour la vie au jour le jour d'une Geisha, à Tokyo

Photos de la rue de Nishi-Chaya ayant conservé son cachet :
Un petit musée gratuit permet de voir à quoi ressemblait l'intérieur d'une maison de thé. Tout d'abord, des shamisens et un paravent de luxe :
Lorsque les Geishas jouaient de la musique ou dansaient, elles se mettaient à l'endroit du paravent sur la photo précédente.
Juste dans le prolongement, la salle où les clients s'installaient pour boire et manger, entourés d'une ou plusieurs Geishas selon leurs ordres (et leurs moyens) :
Admirez les tambours, la table pour les convives, le bel éventail suspendu au mur, le rouleau de papier à la japonaise suspendu lui aussi.

Passons maintenant de l'autre côté de Kanazawa, dans Kazue-Machi-Chaya, l'ancien quartier de Geisha qui longe la rivière Asano-gawa.
Dans celui-ci, il reste deux rues bien conservées, parsemées de ruelles transversales.

La rue longeant la rivière :
Zoom sur quelques maisons, plus ou moins modernisées :Une des ruelles transversales :
Puis, de l'autre côté de la rivière, se trouve le quartier le mieux conservé et le plus grand : Higashi-Chaya (maisons de thé de l'est), qui fut le plus prospère.
Quelques rues centrales valent le détour, mais on trouve des maisons anciennes disséminées un peu dans tout le coin :
(notez l'impact de la pluie sur le bois...)
La tour notant l'entrée du quartier (il me semble que c'était un poste d'alerte à incendie, hyper nécessaire dans ces quartiers en bois) :
Une rue tout à fait typique du coin :

Puis on arrive au coeur du quartier de Higashi-Chaya, et là, je ne regrette à nouveau pas d'avoir fait le voyage jusqu'à Kanazawa (ni d'avoir acheté une carte mémoire de 2G ;D) - je précise que ces belles maisons sont soit des restaurants, des boutiques d'artisanat, des habitations, des salons de thé (sans Geisha), des salons de coiffure, des ryokans ; bref, c'est varié - :Notez la porte dans la porte, trop grande pour un chat mais très petite pour un être humain, et l'espèce de petite avancée de toit assez rigolote (j'imagine que ça servait à suspendre une lanterne ?) :
Après toutes ces photos de maison, quelques photos de rues :La place principale du quartier :
Pour la plus grande joie des touristes, deux anciennes maisons de thé et de Geishas se visitent. Et, comble du bonheur, on a le droit d'y prendre toutes les photos que l'on veut !! En voici donc toute une floppée.

Commençons par l'entrée de la maison Kaikaro :
Dès l'entrée, le magnifique (mais très flash !) escalier en laque attire le regard, avec le splendide paravent qui trône en haut des marches :Puis on pénètre dans une pièce à la décoration japonaise mais avec des touches modernes : anglais sur les panneaux coulissants, toile dont le motif rappelle les impressionnistes :
Les salles sont toutes plus belles que les autres, je vous laisse admirer. Sachez tout de même que ce sont les salles où les convives s'installaient et où les Geishas sollicitées les rejoignaient pour les distraire. En cas de fête avec pleins de convives (par exemple fête de fin d'année organisée par une entreprise pour ses cadres manageurs, anniversaire d'un artiste connu ou d'un cadre de société ou d'un chef d'entreprise ou d'un cadre libéral), les panneaux coulissants étaient ouverts, ce qui permettait d'avoir une seule très grande salle au lieu des plusieurs petites habituelles :
Notez notamment la décoration des panneaux coulissants :
Calligraphie et kimono de grande valeur :
Splendides panneaux coulissants, calligraphie au-dessus d'un beau kimono, et lampes faites main :
Beau paravent, lampes faites main, tatamis colorés avec des encres végétales :
Toutes ces pièces sont vraiment splendides, et toutes sont le résultat de la combinaison des artisanats de haut luxe ayant fait la renommée de Kanazawa : papier fin pour les lampes, techniques de teinture des tatamis, dorures, tissus et motifs des kimonos, etc.

Vue du premier étage de la maison :
Aparté : à l'époque, les maisons ne faisaient qu'un seul étage. Il fallait une dérogation spéciale pour avoir le droit de construire un second étage, aussi les maisons à deux étages étaient-elles les plus hautes placées dans la société.

Dans une pièce sont rassemblés les instruments dont devait savoir jouer toute Geisha :
Pièce d'habitation, avec les poupées japonaises sur la gauche, foyer (dans la boîte à gauche de la table), et la traditionnelle alcôve avec rouleau suspendu :
Les maisons ont quasiment toujours un jardin intérieur ; vue sur l'aile principale de la maison avec ses panneaux coulissants en guise de fenêtres :
Enfin, la pièce la plus luxueuse de la maison (et la plus isolée), où les tatamis sont tressés d'or !
Et le magnifique couloir qui y mène :
La visite de cette maison a comblé toutes mes attentes : pour la première fois je me suis rendue compte de mes yeux de l'environnement où évoluaient les Geishas, après l'avoir imaginé par mes lectures.

La maison Shima est la seconde à être ouverte au public. Elle aussi était une maison de thé de haut rang (il y avait bien sûr des maisons de thé de diverses qualités, de la plus raffinée à celle favorisant la prostitution, mais en général les quartiers étaient assez homogènes, et Higashi-Chaya était le plus réputé). Façade de la maison :
Pièce principale, avec le foyer :
Chambre de la propriétaire, avec l'autel sur la gauche :
La cuisine est grande car il fallait nourrir les clients qui commandaient à manger.
J'ai adoré voir la cuisine : on se croirait dans un laboratoire, l'obscurité en plus !

Salle pour les convives :
Vue sur les différentes salles de l'étage, avec les instruments de musique accrochés au mur :
Après avoir arpenté ce magnifique quartier et visité les deux maisons de thé / Geisha (le prix d'entrée vaut largement le coup/coût), je monte vers les hauteurs en espérant apercevoir la mer du Japon du haut de la colline, ou au moins la fière allure du château de Kanzawa. En chemin, un temple avec des torii rouges :
Hélas, le temps est couvert, donc on ne distingue pas la mer du Japon, et le château de Kanazawa ne se dresse pas fièrement (en tous cas il ne dépasse pas spécialement du paysage urbain, pourtant il est sur une colline !)

Il est alors temps pour moi de repartir vers le ryokan pour y prendre mes bagages avant de retourner vers Osaka.
En chemin, je passe devant les douves et les remparts extérieurs (ils délimitaient donc l'enceinte du château), un peu rattrapés par la nature :
Gare de Kanazawa, imitant en plus grand l'entrée des temples :
Au final, je peux dire que j'ai adoré Kanazawa : château intéressant, quartier samouraï (même si c'est un peu petit), temple "ninja" avec mille astuces, splendides maisons de Geishas, et le magnifique Kenroku-En jardin à la japonaise.
Le tout reste à taille humaine : on visite les principaux sites en deux jours, on peut prendre le temps de déambuler, et tout se fait à pied : pas besoin de prendre métro ou bus.

En fait, j'ai trouvé à Kanazawa ce que je cherchais à Kyoto mais que je n'y avais pas vraiment trouvé. En effet, à Kyoto, les distances sont très grandes donc on ne peut se passer des transports en communs ; il y a de belles choses à voir, mais aucune maison de Geisha n'est ouverte à la visite dans Gion (ou alors elle a réussi à passer au travers des mailles de tous les guides touristiques !); il y a de beaux jardins mais assez onéreux, il y a de magnifiques temples mais tellement nombreux que l'on est sous le fardeau d'une tâche titanesque...
Je noircis le tableau (Kyoto mérite largement une longue visite), mais je crois que si Kyoto est d'une dimension bien supérieure à Kanazawa de par son héritage gigantesque (grâce auquel Kyoto fut épargnée de tout bombardement pendant la seconde guerre mondiale), et qu'elle est bien plus accessible, pourtant Kanazawa est à mes yeux la meilleure ville pour appréhender simplement et magnifiquement le Japon ancien.

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