mercredi 30 septembre 2009

2009-09-25 Sendai

Mon programme du 24-25, commencé par Hiraizumi, me conduit à Sendai pour y passer la nuit avant de me rendre le lendemain à Aizu-Wakamatsu.

Jusqu'à présent, je n'étais pas sortie de la gare centrale, et je n'avais pas un très bon aperçu de la gastronomie à cause d'un certain "restaurant italien" malencontreusement testé lors du séjour Matsushima-Yamadera-Zao Onsen...

Après avoir réservé un ryokan dans le grand centre (40 minutes à pied de la gare), le chemin pour m'y rendre me fait passer par les galeries commerçantes principales de la ville : Chuo-dori et Ichibancho :
Je n'ai pas encore la maîtrise des photos de nuit, je l'ai à nouveau constaté, donc pour la suite je vous montre les photos prises le lendemain matin, lorsque quittant le ryokan je suis repartie vers la gare.

Tout d'abord Jozen-dori, une grande avenue avec au centre de la voie une allée piétonne bordée d'arbres :On distingue sur la droite la médiathèque de Sendai, dont la ville est visiblement fière (elle est sur toutes les cartes touristiques, mais je n'ai pas élucidé pourquoi).

Ce type d'avenue est assez rare au Japon, c'est ce qui donne à cette ville un air plus européen que les autres villes nippones. D'ailleurs, le surnom de Sendai est: "la cité des arbres", bien qu'il y en ait beaucoup moins qu'avant la destruction et la reconstruction d'après-guerre (d'après Wikipédia, il s'agit de zelkovas japonais, s'il y en a qui se posaient cette question peut-être fondamentale :) ).

Je passe à nouveau par les arcades commerçantes, qui commencent seulement à se réveiller (il est 9h du mat) :
Le toit des arcades semble être rétractable !Un temple très étroit mais élongé, niché entre deux enseignes commerçantes :Il faudra d'ailleurs que j'essaie un jour le ChocoCro à gauche sur la photo... (c'est un genre de Starbucks, présent également à Shibuya).

Notez les arbres et les bancs, contribuant à rappeler le centre des villes européennes (aaah le manque de bancs dans les grandes villes japonaises...mais au fait, les arbres n'étouffent-ils pas un peu sous les verrières ?) :Un gratte-ciel du centre :Place de la gare :Je n'ai pas passé beaucoup de temps à Sendai, mais ça m'a fait l'effet d'une ville très agréable à vivre !

Quelques faits : Sendai est la plus grande ville du nord du Japon (1M d'habitants). Elle fut quasiment entièrement détruite lors de la seconde guerre mondiale. C'est une ville assez jeune, et universitaire. Anecdote : les choses sont un peu moins traduites en anglais qu'à Tokyo, par exemple la chaîne japonaise de burgers Lotteria avait son nom uniquement écrit en Katakana...


Au niveau historique, un homme (samourai) a marqué Sendai : Masamune Date, le "dragon borgne" (il était borgne, mais par contre dragon reste métaphorique...). Ce seigneur féodal (17ième siècle) a fait de Sendai une ville importante, la capitale de son fief, et y a développé le commerce, les greniers à grains, les temples, la culture, le tourisme et même des missions diplomatiques vers l'Europe (ils y rencontrèrent le pape, ça a dû être dépaysant !) et les Amériques. Il a aidé les catholiques avant qu'il ne se plie au Shogun et n'applique les lois répressives. Ses méthodes étaient assez originales pour l'époque, ce qui peut expliquer qu'il n'ait jamais atteint la position de diriger tout le Japon, malgré ses talents militaires.

Pour plus de détails : http://en.wikipedia.org/wiki/Date_Masamune

Il fut un contemporain de deux des hommes les plus influents de l'histoire du Japon, qui ont achevé l'unification du Japon vers 1600, et que j'avais mentionnés en passant sur un post de Nikko :
http://en.wikipedia.org/wiki/Tokugawa_Ieyasu
http://en.wikipedia.org/wiki/Toyotomi_Hideyoshi

mardi 29 septembre 2009

2009-09-24 Hiraizumi

Hiraizumi est très connue au Japon car elle fut, il y a très longtemps, la deuxième ville en terme d'importance, après Kyoto. Des mines d'or ont rendu la région riche, et une myriade de temples très importants ont été construits à Hiraizumi, dont certains étaient considérés comme sans rival dans tout le Japon !
Ça a bien changé, car la ville a été rasée suite à des guerres entre clans/ seigneurs il y a plusieurs siècles, et maintenant c'est une toute petite ville de province de moins de 10,000 habitants, très très loin d'arriver au début de l'orteil de Kyoto. Quelques sites ont perduré, et sont très visités, mais essentiellement par les japonais, les occidentaux préférant visiblement le Kansai au Tohoku.

Après 2h15 de Shinkansen vers le nord et 8 minutes de train local, me voilà débarquée à 450km de Tokyo au nord, au-delà de Sendai. Je me repère et mets le cap sur le site le plus connu de la ville, et l'un des plus touristiques du nord du Japon : le Chuson-ji. Autrefois, la colline entière était constellée de temples. Il n'en reste plus qu'une dizaine de bâtiments, dont le fameux Konjikido - pavillon doré richissimement décoré : bois noble, or, ivoire, etc. Je m'attends un peu à un remake à la montagne du Kinkaku-ji de Kyoto.

Comme souvent, les temples sont au sommet d'une colline, ce qui donne la sensation de devoir mériter la visite : on délaisse les affaires du monde matériel en bas, et on élève sa spiritualité au fut et à mesure des mètres pour arriver dans l'état d'esprit adéquat.
J'en profite quant à moi pour respirer l'air frais dégagé par les arbres bordant la montée :
Arrivée au Hondo (hall principal) :
Le bâtiment juste à côté montre un tableau très bien exposé : une porte de temple pour lui tout seul ! C'est la tradition japonaise de montrer une seule oeuvre dans un grand espace : une calligraphie dans une maison de thé, un vase avec une fleur dans l'entrée, etc. Ce tableau représente une colline très verte, une rivière, et un temple doré, vraisemblablement une reproduction idéalisée du coin :
Un petit jardin derrière, avec toujours les admirables pins taillés :
Et voilà le fameux Konjikido :
Eh non, il n'est pas doré : le bâtiment ci-dessus protège le pavillon doré qui est à l'intérieur, photos interdites. J'ai été très déçue de cette visite : 800 yens (5-6 euros) pour entrer dans le bâtiment en béton ci-dessus (certes la forme du temple a été maintenue), avec à l'intérieur, derrière une vitre, un minuscule pavillon doré que l'on voit très mal, une voix métallique haut-parleur répétant sans arrêt des explications en japonais. Le pavillon était petit, pas du tout dans la nature, on voit à peine l'intérieur du pavillon, bref pas terrible, et pourtant il appartient à la catégorie "trésor national". Je conseille dix mille fois le Kinkaku-ji à Kyoto !

Ensuite, voici le bâtiment du Kyozo (lui est "propriété culturelle importante"; j'adore les mille catégories japonaises :)), qui abrite une très belle collection de soutras (que l'on ne voit pas), notamment recopiés par la famille des Fujiwara, dirigeants de la ville pendant ses décennies de splendeur (12ième siècle). En plus simple, c'est la librairie du temple contenant ses textes bouddhiques :
Un peu plus loin, l'ancien bâtiment qui protégeait le Konjikido ; mais pourquoi donc l'ont-ils remplacé par un truc en béton ??
Puis c'est le jardin, et un arbre avec le poids des ans, devant une porte :
Entrée du théâtre Noh, qui comme fréquemment dans le temps, était en extérieur :
J'ai beaucoup aimé cet endroit, car il dégageait une impression authentique : le toit typique, le bois qui sent le vieux et le vécu, pas de béton, une vue qui se dégage à l'arrière sur la vallée et les collines avoisinantes, avec sur sa gauche un joli petit sanctuaire avec son cercle sacré shinto, les lanternes rouges et blanches représentant chacune un animal du panthéon japonais, et la nature qui entoure le tout.
On s'imagine l'audience assise sur des nattes, buvant du saké dans une belle ambiance festive villageoise, ou au contraire, une assemblée de moines dans la position du lotus perçant à jour les vérités fondamentales de la pièce jouée...
Retour vers la place centrale, avec le torii rouge et la forêt de bambous qui côtoie celle des cèdres :
Je rappelle que la cordelette avec les zigzags blancs signifie que le lieu est sacré pour le shintoïsme. Le fait que, sur un même site, on ait un temple bouddhique et un sanctuaire shinto est très fréquent au Japon. On est loin des guerres de religion qui ont eu lieu en Europe !
Certes il y a eu des rivalités entre bouddhisme et shintoïsme, mais c'est resté civilisé, les choses se tramant plutôt dans l'ombre, par batailles d'influence, que par conflits ouverts.

Après cette visite du Chuson-ji, que je recommande mais en évitant le Konjikido qui ne vaut pas les 800 yens d'entrée, j'ai repéré sur la carte prise à l'office de tourisme de la gare un sentier qui relie ce temple et l'autre grand site d'intérêt de Hiraizumi : le Motsu-ji. Parfait ! Me voilà donc partie pour 3,5 km de marche en pleine nature :
Aaaarg ! Ils me poursuivent ! Des ours ici aussi ?!?
Mais bon, j'entends les activités humaines (la route), la ville n'est pas loin, ce n'est pas la montagne, donc je ne vais pas recommencer à taper dans les mains pour le reste de la balade ;D !
Après être passée devant des champs de riz (visibles 5 photos ci-dessus), voici l'étape suivant la récolte : le séchage des épis :

Arrivée au Motsu-ji, je me renseigne un peu sur l'histoire du site. Auparavant (12ième siècle) sans rival dans tout le Japon, habité par plus de 500 moines, il ne reste aujourd'hui presque plus rien de ses bâtiments. Par contre, le jardin a subsisté, et c'est a priori le seul exemple au Japon des jardins du style de cette époque - l'épique époque Heian, cf. le Heian-jingu à Kyoto. Forcément, du coup, il est classé dans deux catégories : "site historique spécial" et "special place of scenic beauty" (dont j'ai du mal à traduire toute la poésie du nom).

A l'entrée, un haiku de Basho (17ième siècle), maître incontestable de cet art, écrit en ces lieux :
Ce haiku est en japonais à moitié effacé gravé sur une pierre. Heureusement, pour conserver ce brin de culture et le propager si possible, le haiku a été traduit en anglais sur une autre pierre : "the summer grass
'tis all that's left
of ancient warrior's dream"
En français : "la pelouse d'été - c'est tout ce qu'il reste - du rêve des anciens guerriers".
Ce haiku évoque bien entendu les ruines du Motsu-ji et la disparition de ce haut lieu du passé, tout en faisant référence aux hauts faits historiques qui s'y déroulèrent.

D'ailleurs, j'ai apprécié la carte reconstituée de l'aspect qu'avait le temple au 12ième siècle, ce qui permet de se rendre compte de l'envergure du lieu et de ce qui a disparu ou a été modifié :
Après ces considérations historiques, place à la délectation du jardin :
L'endroit sans doute le plus agréable du jardin : Gokusui-no-en, le ruisseau alimentant la pièce d'eau et l'espace l'entourant, artificiellement créés et arrangés selon les canons artistiques du style Heian.
Et c'est vraiment très beau :
Une fois par an, un événement a lieu sur les bords de ce ruisseau, recréant un loisir de la noblesse d'antan : tous, en kimono traditionnel, s'assoient sur les berges tandis que les poètes participant s'assoient au bord du ruisseau et doivent composer un poème avant qu'une coupe de saké ne leur parvienne par le courant. Je n'ai pas tous les détails, mais j'ai trouvé le principe marrant !

Autre angle de vue :
Derrière ce ruisseau, se cache un temple ayant plus ou moins résisté (reconstruit pour dernière fois en 1732 - eh oui, le bois ça brûle...). C'est dans ce bâtiment que se pratiquait la méditation en marchant. Je ne suis pas très familière de la méditation, mais visiblement on peut méditer assis, ou en marchant en circuit fermé - ce qui était le cas ici.Autres points de vue sur l'eau, les barques-dragon, le jardin et la colline en arrière plan :C'est très joli, avec les arbres qui commencent à arborer différentes couleurs...

En face du Motsu-ji, se trouve un parc qui lui aussi était le lieu d'un temple aujourd'hui disparu :
Ayant du temps avant le train, j'ai parcouru les autres sites de la ville mentionnés sur la carte touristique, mais c'était du vide (des endroits dont il ne reste absolument rien), donc je laisse cela aux archéologues...

J'ai bien aimé cette visite de Hiraizumi, malgré la déception du Konjikido, car j'ai vu de belles choses, notamment : l'ancien théâtre Noh en plein air, la balade dans la nature, le jardin du Motsuji, le ruisseau artificiel période Heian.
J'ai aussi appris pas mal d'anecdotes historiques, que je vous ai épargnées, mais si ça vous intéresse, regardez les mots clefs suivants : Fujiwara family, Hiraizumi, Chuson-ji, Minamoto Yoshitsune, Minamoto Yoritomo, Benkei.

En bref : la famille Fujiwara a dirigé Hiraizumi pendant quelques générations, ayant fait fortune grâce aux mines d'or. C'est grâce à elle que Hiraizumi est devenu un très grand centre bouddhiste et que les temples ont été construits ou développés. Yoritomo Minamoto est le premier shogun du Japon, c'est à dire le plus haut dirigeant car l'empereur n'a plus eu le rôle supérieur jusqu'à 1868. Son demi-frère, Minamoto Yoshitsune, avait été élevé chez les Fujiwara. Yoritomo a fini par trouver ce clan un peu trop puissant, et a commandité la mort de son demi-frère qui s'est réfugié à Hiraizumi. Mais celui-ci a été trahi par un Fujiwara, et a péri, non sans avoir été défendu superbement et héroïquement par le fidèle Benkei pendant que lui-même tuait tous les membres de sa famille. Finalement, Yoritomo a ainsi eu la voie libre pour détruire Hiraizumi, ce qui explique qu'il n'en reste plus grand chose, alors que Heian-Kyoto a perduré.
Liens sur ces faits :
http://en.wikipedia.org/wiki/Minamoto_no_Yoritomo
http://en.wikipedia.org/wiki/Minamoto_no_Yoshitsune

samedi 26 septembre 2009

2009-09-21 Nozawa Onsen

Aujourd'hui, les jambes sont un peu fourbues, mais vaillamment on se lève à l'aube (10h30-11h), et on part à l'office du tourisme pour nous renseigner sur d'autres randonnées dans le coin.
Et là, stupeur et tremblements : la quelque peu revêche employée affirme avec aplomb qu'il n'y a pas d'autre randonnée que celle faite la veille. Mouais... on est entourés de montagne, le Japon est la paradis des marcheurs, et pas une seule randonnée alentours ?

Du coup, on suit les conseils de notre hôte qui nous avait indiqué une partie de la montagne où il doit y avoir un sentier débouchant sur une jolie cascade. Après être arrivés dans le coin approximatif désigné, on trouve un sentier et des bouts de tissu rose fluo, que l'on suit donc. Pas de cascade en vue, ce qui me donne envie de rebrousser chemin une fois les bouts rose fluo disparus, mais Aurélien adore le sentier en pleine nature, avec le bruit d'un ruisseau de montagne, donc on poursuit.
Photos :Avec déjà un peu de rougissement des arbres visible :Au bout d'un certain temps, le sentier s'arrête, et après qu'Aurélien ait marqué son territoire :o, on rebrousse chemin à la recherche d'un autre chemin nature.

De retour dans la vallée, on tombe sur un fermier en train de récolter le riz :
Notez qu'apparemment il ne récolte pas en lignes, mais en cercles carrés (puisque seule une crête reste).

Puis on décide de s'engager sur un "torekkingu coosu" (trekking course en japonais) avec pour but un lac.
Photos :
Bon là, je suis pas très sexy avec mon survêtement peu moulant, mais je la mets tout de même :On arrive au lac, vraiment calme, serein, avec quelques familles venues pêcher et quelques couples venu faire du pédalo (tous venus par la route et non par le sentier de rando, car on n'y a croisé absolument personne de la journée).
On a beaucoup aimé :
Tout un village de statues : le barde, le bouddha, le pêcheur, le forgeron, le scribe, etc :Aurélien a adoré cet endroit, et l'a arpenté de long en large pour déterminer comment y aménager notre future maison :)
Puis retour au village, onsen, repas à la japonaise à nouveau excellent, et nuit dans nos futons sur les tatamis.

Le lendemain matin, nous sommes repartis pour Tokyo, et le choc fut rude quand nous débarquâmes à Shibuya, sa foule, ses magasins, ses spots, ses hauts-parleurs...

(admirez le bel emploi du passé simple ! d'ailleurs je conseille à qui souhaite réviser le passé simple, les quatre formes du subjonctif, les accords, et toutes autres structures grammaticales complexes, de lire dans sa traduction française officielle "le pauvre coeur des hommes" de Natsume Sozeki).