samedi 17 octobre 2009

2009-10-06 Kanazawa

Juste de l'autre côté du Kenroku-En se trouve la Seison-Kaku : résidence construite à la fin de la période des seigneurs, en 1863, pour la mère du seigneur Maeda de l'époque. C'est donc une maison de noble, mais construite à la toute fin de cette époque. Il n'en reste plus que sa partie principale (toutes les annexes ont disparu), mais elle vaut vraiment le détour car elle est un exemple parfait du style de l'époque, avec tous les raffinements disponibles alors, et mêmes les toutes dernières nouveautés. Toutes les pièces sont à la japonaise, mais certains ajouts occidentaux sont visibles, et devaient effectivement être surprenants pour l'époque ! : certaines chambres sont colorées : bleu marine importé de France, rouge de Chine, rouge d'Inde, violet foncé ; une autre pièce a sur un des ses panneaux coulissants une fresque en verre, etc.
Comme les photos étaient interdites, voici juste un aperçu du jardin intérieur (visiblement le Kenroku-En ne suffisait pas ;) ) :
Cette visite était très intéressante, notamment la salle d'audience et l'étage avec les pièces à la japonaise mais colorées.

Comme je l'ai mentionné, le Kenroku-En se trouve en face du château, et c'est celui-ci qui constitue l'étape suivante de la journée.
Le château a été construit par des moines bouddhiques entre 1550 et 1580, mais fut conquis par Maeda Toshiie en 1583. Comme quasiment tous les châteaux japonais, il a souffert au travers les siècles d'être brûlé à répétition par des éclairs, ce qui fait qu'il n'en reste plus qu'une petite partie. Cette partie n'est pas non plus d'époque, mais elle a le mérite d'avoir été restaurée à l'identique, et avec les moyens anciens ! (bon, ils ont tout de même fait quelques améliorations, notamment sur les fondations, mais toujours avec les moyens anciens).
Venant du Kenroku-En, on passe par la porte la mieux conservée, qui date de 1788 tout de même (Ishikawa-Mon). C'était la porte arrière du château :
Le château était constitué de parties de plus en plus centrales (comme les poupées russes), et voici des remparts et douves intérieurs bien conservés :
Un endroit où il ne reste strictement plus rien :
Voici maintenant le principal bâtiment à avoir été restauré (achevé en 2001, c'est très récent !), sous toutes ses coutures :
Autre bâtiment étant parvenu jusqu'à nous : un des entrepôts du château :
Toute une partie de l'enceinte du château est retournée à l'état naturel :
Voici notamment l'endroit où se trouvait le donjon principal (en tant que donjon principal, le plus haut et donc faisant office involontaire de paratonnerre, c'est bien sûr lui qui le plus brûlé) :
Autre relique (je ne suis plus sûre de ce que c'est mais il me semble que c'était un entrepôt d'armes), avec le pont lui aussi très ancien :
L'enceinte du château se visite librement, mais l'entrée dans le principal bâtiment restauré est payante. Comme j'ai adoré mes deux autres visites du matin (Kenroku-En et Seison-Kaku) et que le Kenroku-En était vraiment peu cher, je décide de contribuer modestement à la reconstruction du château en payant les 300 yens (2-2,5 euros) d'entrée. Bon, ça n'en vaut pas vraiment la peine, mais voici néanmoins quelques clichés, à commencer par les toits :L'esplanade principale qui devait servir aux manoeuvres, aux défilés et aux tournois (?) :
L'intérieur, tout de bois mais non meublé (d'un autre côté, vu que ce n'était pas là que logeait le seigneur et sa famille, je ne suis pas sûre que les gardes avaient droit à tout le - modeste - confort de l'époque :Vue du haut d'une tour :
Le point intéressant de la visite : une maquette du château tel qu'il était :Les trois petites étiques en rouge sur blancs signalent les quelques bâtiments qui restent... C'est là que je me suis vraiment rendue compte de l'ampleur passée du château !

Après cette visite, mon objectif est le quartier de samouraïs, a priori conservé en partie à Kanazawa. En chemin, l'Okayama-jinja, avec ses cordelettes shintô sacrées :
En voilà une statue originale ! Ca change des madonne, des Vénus et fiers chefs à destriers.
Le jardin du sanctuaire, avec plein de ponts :
Et encore plein d'autres ponts !
La rituelle lanterne proche du cours d'eau :
La porte principale et le bâtiment principal en arrière plan :La porte principale dont la partie supérieure comporte du verre. C'est à de petits détails que l'on voit que Kanazawa était à la pointe des arts et du raffinement...
Arrivée à l'entrée du quartier samouraï (Naga-Machi), voici déjà une ancienne maison de samouraï, belle bâtisse en bois ornée de deux pins à l'entrée :
Seule la maison Nomura se visite, donc c'est parti ! L'entrée donne le ton, avec l'armure de samouraï qui nous accueille...Les pièces à l'intérieur (que l'on a le droit de photographier !) montrent la richesse passée de cette famille : beaux panneaux en marqueterie, panneaux coulissants purement japonais, meubles en laque avec feuilles d'or, etc. :
Détail des panneaux coulissants, avec les peintures à la japonaises : arbres, oiseaux, roches, cours d'eau... :
Autre exemple :
Et le jardin intérieur, classé parmi les 10 plus beaux jardins intérieurs du Japon :
Je suis assez mitigée : ce jardin était trèèèèès chargé, surchargé quoi. Pas de mon goût... Mais évidemment, il avait toute la panoplie : lanternes à gogo, myriades de grosses carpes colorées, fontaines et cascades à foison, et les arbres et buissons savamment agencés. N'empêche : je préfère les jardins où se promener à ceux à contempler.
La jolie montée vers la salle pour la cérémonie du thé, qui surplombe le jardin :
Cette visite m'a laissée sur ma faim, car j'espérais visiter une maison de samouraï, or il n'en restait plus que quelques pièces et le jardin intérieur. Mais bon, cela m'aura donné au moins une petite idée d'à quoi cela ressemblait.
Le "problème" est qu'après 1868, les maisons de samouraïs furent démantelées et la terre retournée au peuple. Ce n'est que lorsqu'il n'en resta quasiment plus qu'ils commencèrent à vouloir sauvegarder le quartier, mais un peu tard.

Une belle maison de samouraï bien conservée, mais qui ne se visite pas (le panneau à gauche n'indique pas les prix d'entrée, mais dit "ceci est une maison privée, merci de ne pas entrer". Seul soucis : pour lire le panneau, il faut entrer ;) ) :
Admirez l'orifice pour laisser croître l'arbre !Ce qui reste le plus du quartier est : les murs orange-ocre qui délimitaient les demeures de samouraïs, et les rues pavées de ce quartier.
Au final, c'est assez petit (seules 2-3 rues restent et donnent un aperçu de l'allure d'antan), mais bien dépaysant :Les deux rues les mieux conservées, et sans grands immeubles modernes qui dépassent :
Vieille maison en bordure du quartier samouraï ; si ça se trouve c'était la demeure d'un samouraï de faible rang... :
Je visite ensuite, en bordure de Naga-Machi, une ancienne maison de marchant, en l'occurrence une ancienne pharmacie. C'était une pharmacie de très haut rang puisque c'est là que s'approvisionnait la famille Maeda et toutes les autres familles de haut rang. De l'extérieur :
Au fond, le symbole accroché au mur signifie que la pharmacie possédait les accréditations pour exercer. Sur la droite, le bureau du chef, avec un énorme registre et un boulier. A gauche, l'armoire avec plein de tiroirs contenait les herbes et médicaments :
Sur la droite, les deux bureaux des aides (ni apprentis ni chefs) :Comme la batterie de mon appareil photo a lâché à ce moment-là (autre inconvénient d'avoir une mémoire de 2 gigas : la batterie ne tient plus le rythme journalier...), vous ne verrez pas les photos des pièces de la famille du marchand, ni l'étage avec son arbre-bonbon, et la collection de noeuds pour paquet-cadeau. En effet, il y a au Japon une tradition du cadeau et de son emballage, et le noeud en était l'élément prédominant, pouvant même être plus volumineux que le cadeau lui-même !

Anecdote : avant de faire le détour pour recharger la batterie, je me suis installée dans une petite échoppe du quartier de samouraï pour y prendre mon repas de midi. Le menu était uniquement en japonais, et personne ne parlait anglais, mais pas de problème ! Je déchiffre un menu où il y a 5 plats, avec notamment du tofu et une glace en dessert. Bon, petite erreur de lecture : il y avait bien 5 plats, mais tous étaient du dessert ! En fait, j'ai eu une dégustation de thé de cérémonie avec 5 types de douceurs. Le caractère "haricot" ne faisait pas référence au tofu mais aux haricots rouges, sucrés ! Autant vous dire que mon "repas" a été difficile à terminer : c'était très bon, mais enchaîner 5 desserts japonais tient tout de même de l'effort, et non du réconfort (même si j'ai réussi à éviter la glace au thé vert, chose que je déteste vraiment) ... surtout que les haricots rouges (que l'on m'a servi chauds puis froids), ça cale, et surtout quand la personne qui vous les sert est super sympa et n'arrête pas de vous dire que vous êtes douée pour tenir les baguettes et parler japonais... ô ironie du sort :D ! J'ai rarement eu autant envie d'un bon steak avec des patates, lol !

Après un passage au ryokan pour recharger l'appareil photo, me revoilà en route vers le quartier de Tera-Machi. En chemin, je rencontre encore des cours d'eau, au débit assez impressionnant :
Je crois que si l'on veut échapper aux futures batailles pour l'eau, il faut absolument venir habiter au Japon (le Canada devrait convenir aussi, ainsi que vraisemblablement les pays d'Europe du Nord). L'eau est partout dans toutes les villes, tous les villages, tous les paysages, et le pompon est bien entendu pour les villages thermales (onsen).

Une fois la grande rivière dépassée, me voici à Tera-Machi, littéralement "la ville des temples". En fait, il y a 400 ans, tous les temples de Kanazawa ont été déplacés à deux endroits, Tera-Machi étant l'un de ces deux endroits. Il semble en effet que les Japonais n'ont pas de scrupules à déplacer leurs constructions/monuments. Peut-être que le fait qu'ils soient en bois facilite l'opération : on se voit mal déplacer tous les siècles Notre Dame...

En chemin, un temple assez particulier par ses ornementations de toit :
Deux anciennes maisons (on en voit beaucoup à Kanazawa) :
Un magnifique grand bâtiment (je n'ose l'appeler "maison") :
Le clou du quartier est le Myoryu-ji, ici sous tous ses angles photographiables :
A part son entrée principale (première des trois photos), vous m'accorderez qu'on ne dirait pas vraiment un temple ! Et pour cause : son surnom est "le temple Ninja".
Ce temple servait à la prière, mais faisait office en même temps d'avant-poste défensif du château. Sa hauteur (dépassant d'ailleurs les limites autorisées de l'époque, chose cachée par divers artifices) lui permettait de voir arriver d'éventuels ennemis de loin, et il était a priori relié au château par un passage secret aboutissant dans son puits (a priori car évidemment ce point est invérifiable depuis que le temple a été déplacé !).
La visite se fait sur réservation (peu important en basse période : arrivée à 14h15, j'ai participé à la visite de 14h30), et uniquement en japonais, mais heureusement pour les non-japonisants, un fascicule en anglais donne les points importants, que voici :
- là où les offrandes sont faites (boîte à trous), un faux plancher permet à deux hommes de se cacher : un espace ne semblant faire que 30 cm de profondeur se révèle en mesurer 2 mètres !
- un escalier dérobé arrive sous une penderie. Si l'on enlève deux planches, l'escalier est disponible, mais attention ! si les planches sont mises et que la porte de la penderie est fermée, cela joue comme un loquet sur l'orifice des marches et les hommes dans l'escalier ne peuvent pas monter (utile si ces hommes sont des ennemis)
- à l'époque, les temples ne devaient pas faire plus de 2 étages. Le Myoryu-ji fait 4 étages et 7 demi-niveaux, fait caché par les deux derniers étages n'étant accessibles que par des escaliers dérobés
- le bâtiment principal comporte une vingtaine de pièces et 25 escaliers ! Autant dire que chaque pièce a plusieurs issues...
- un escalier menant à un demi-niveau se révèle, si on enlève 3 planches, continuer plus bas vers en-dessous du temple ! Utile pour mystifier d'éventuels attaquants : dans l'obscurité, il croira descendre d'un demi-niveau, mais "tombera" sous le temple
- quasiment toutes les pièces donnent sur le puits intérieur, ce qui permet en dernier ressort de passer par le passage secret pour rejoindre le château
- il y a une toute petite pièce dans laquelle on entre par un panneau pivotant. Par contre, une fois dans la pièce, on ne peut plus en sortir car le panneau pivotant est la seule issue, et ne fonctionne pas de l'intérieur... C'est en effet la pièce à Seppuku (suicide rituel)
- pleins de penderies étant des portes ou des escaliers
- la double porte d'un escalier permettant par un système ingénieux de masquer une cachette pour deux hommes (difficile à expliquer : si un seul des deux panneaux est ouvert, on voit l'escalier, si l'autre panneau est ouvert, on voit la cache, mais on ne peut ouvrir ce deuxième panneau qu'en le faisant coulisser exactement de concert avec le premier panneau...compliqué à deviner donc à découvrir !)
- et mille autres astuces !

Voici la seule photo que j'aie pu prendre, car d'extérieur :
Le papier blanc décorant les marches permet aux personnes à l'intérieur de savoir que quelqu'un approche tout en n'étant pas visible par eux. De plus, si le danger se précise, il permet aux défenseurs de tirer des flèches sur les assaillants car les flèches transperceront sans soucis le frêle papier ! Enfin, la porte de l'escalier masque un deuxième escalier dérobé.

Bref, vous vous en doutez je pense d'après tous mes commentaires : j'ai adoré la visite !! Enormément d'astuces, et de belles pièces en tatamis, de demi-niveaux, de pièces donnant sur d'autres, et la lugubre salle des suicides...

Pour terminer la journée, petit tour au marché permanent de Kanazawa : Omicho. Là, l'activité est débordante, les étals de poisson succèdent aux marchands de fruits et légumes, et les spécialités de la région (Kaga-ryori) sont facilement décelables :
Bien sûr, Kanazawa est également une ville moderne :
Avec sa vie nocturne : le quartier central de Kata-Machi, véritable centre de toute la région du Hokoku :Et même un 109 tout comme à Shibuya !!
Et une rue à l'italienne, très chic :

2 commentaires:

Duche a dit…

Quartier Samourai et temple Ninja. C'est d'une classe sans nom. Et les occidentaux passent un peu pour des rigolos, avec leurs pauvres astuces de châteaux forts (genre petit couloir avec une marche pour faire trébucher les ennemis)

Rien à voir avec le message, mais... http://www.sansemploi.com/2009/10/22/s6-japan-facts-3

C'est vrai, ça ?

Caroline et Aurèl a dit…

c'est totalement vrai !
et les collègues d'Aurélien, lorsqu'ils rentrent en France et prennent le taxi, se font engueuler parce qu'ils ne ferment pas la porte :)
par contre, les chauffeurs ne sont pas costauds, donc pas de risque de se prendre une tôle si on a la drôle d'idée de vouloir fermer la porte...